Montréal, le 19 septembre 2024,

 

Office de consultation publique de Montréal (OCPM)

 

Objet: Avis de Trajectoire Québec sur le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050 de la Ville de Montréal

 

Mesdames et messieurs les commissaires,

Trajectoire Québec accueille favorablement le Plan d’urbanisme et de mobilité (PUM) 2050 proposé par la Ville de Montréal, en raison du haut niveau d’ambition dont il fait preuve à l’égard du développement des services et des infrastructures de transport collectif. La mission de Trajectoire est de faire la promotion des droits et des intérêts des citoyennes et citoyens en matière de transports collectifs, partout au Québec. Notre vision est que les Québécoises et Québécois aient accès à des services de transport collectif abordables, de qualité et sécuritaires, partout sur le territoire. Ainsi, nous nous intéressons au PUM en regard de ses impacts potentiels sur les options de mobilité durable offertes aux Montréalaises et aux Montréalais, plus particulièrement les modes collectifs. 

D’emblée, soulignons qu’enfin, nous avons un plan qui allie l’aménagement du territoire et la mobilité urbaine. Les deux étant intrinsèquement liés, il est cohérent d’en arrimer la vision et la planification. L’avis de Trajectoire, en concordance avec sa mission et son expertise, se concentrera principalement sur l’aspect de la mobilité collective du PUM. À cet effet, la volonté clairement exprimée de réduire significativement la part de l’auto solo au profit des modes de transport actif et collectif est remarquable. La bonification substantielle de l’offre de transport collectif, notamment l’ajout de 200 kilomètres de tramway, est essentielle pour atteindre autant les cibles fixées dans le PUM que dans la Politique de mobilité durable (PMD) du gouvernement du Québec. 

Toutefois, l’impasse actuelle dans le financement de la mobilité assombrit la vision du PUM. Des solutions doivent être mises en place à court terme quant au financement des services et des infrastructures de mobilité, sans quoi il sera impossible de mettre en œuvre les mesures les plus structurantes en mobilité pour atteindre les cibles et concrétiser le PUM.

 

Un plan qui place l’humain au cœur de l’approche

Le PUM affiche une volonté claire de faciliter les déplacements dans la ville en modes durables en plus de placer l’individu et sa qualité de vie au cœur du développement urbain et de la mobilité à Montréal. Nous ne pouvons qu’applaudir cette volonté. 

Le PUM reconnaît le rôle essentiel du transport collectif comme facteur d’inclusion sociale et de lutte à la pauvreté et reconnaît le développement massif, rapide et continu du transport collectif comme condition de succès. Il est donc essentiel que soient priorisés les quartiers les plus défavorisés dans le développement des infrastructures de transport. Trop souvent, le potentiel de transfert modal est un critère dont l’importance est exagérée, ce qui nuit à l’implantation de modes structurants dans les quartiers défavorisés, là où les gens sont captifs des modes collectifs. Par ailleurs, étant donné le rôle important des paliers gouvernementaux supérieurs dans l’octroi des fonds nécessaires pour concrétiser ces infrastructures, un risque élevé demeure quant à la réalisation de tous les projets prévus au PUM. Ce dernier doit donc prévoir une priorisation des projets à réaliser en fonction, entre autres, du facteur de défavorisation des quartiers. À l’heure actuelle, les zones plus centrales de Montréal, soit celles plus favorisées, sont priorisées dans l’échéancier du PUM, et il faudrait développer des projets dans les secteurs moins desservis. 

Trajectoire Québec est sensible à la volonté du Plan de ne laisser personne derrière dans la transformation des quartiers, en accordant par exemple une place importante à l’amélioration de l’accessibilité universelle dans les transports, ou en introduisant l’analyse différenciée selon les sexes dans une perspective d’intersectionnalité (ADS+) pour tous les projets. Toutefois, pour véritablement faire de Montréal une ville accessible, elle doit aussi être abordable. En matière de transport collectif, une tarification sociale basée sur le revenu devrait être implantée rapidement pour que les personnes les plus vulnérables aient accès au transport en commun sans difficulté. 

Le PUM est aussi élaboré avec l’intention de voir les mesures et les transformations de la ville induire des changements de comportements en faveur de la mobilité durable. Si la volonté est tout à fait louable, et que nous saluons l’ambition de retirer par exemple des voies véhiculaires et des voies de stationnement, il demeure que l’adéquation entre certaines cibles est imparfaite. Le PUM vise à ce que plus de deux déplacements sur trois soient réalisés en modes actifs et collectifs à l’horizon 2050. Toutefois, toujours selon le Plan, 30% de l’emprise publique leur serait dédiée, en incluant les infrastructures vertes. Pour véritablement favoriser les modes alternatifs, il faut leur accorder une plus grande part de l’emprise publique. D’autant qu’actuellement, la part de l’emprise publique consacrée aux modes durables et aux infrastructures vertes est établie à 26%. 

Une attention particulière doit être portée à l’intermodalité. Le PUM doit s’assurer de l’efficacité des déplacements piétons vers le transport collectif, qualité essentielle pour le premier et le dernier kilomètre. Il est aussi important de prendre en compte la saisonnalité, la qualité du déneigement du parcours piéton autant que les arrêts de bus et les abribus. Trop souvent, l'hiver transforme les déplacements en transport collectif et actif en réel parcours du combattant, ce qui peut freiner la mobilité des usagers et usagères les plus vulnérables. Pour que les modes durables soient véritablement compétitifs, ils doivent être conviviaux, sécuritaires et efficaces toute l’année. 

Bien que le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050 concerne le territoire de la Ville de Montréal spécifiquement, Trajectoire Québec soutient qu’il est nécessaire d’intégrer les villes liées et les municipalités du Grand Montréal dans la planification en matière de transport collectif. Le Plan devrait prévoir plus de collaboration avec l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) et les organismes publics de transport en commun (STL, RTL, exo) des municipalités avoisinantes en matière de planification du transport collectif et de desserte régionale afin de s’assurer d’une vision métropolitaine cohérente. 

Également, la Société de transport de Montréal (STM) devrait se voir attribuer un rôle de leadership plus important dans le PUM puisqu’elle détient une expertise fine des besoins des usagers et usagères sur laquelle la Ville pourrait s’appuyer pour réaliser ses objectifs plus efficacement.

Développer massivement et en continu le transport collectif à Montréal sera évidemment transformateur, pour le mieux, en ce qui a trait l’expérience de mobilité offerte aux usagers et usagères de la métropole. Toutefois, il faudra demeurer vigilant et s’assurer que la multiplication des modes structurants et des services express ne nuit pas à la qualité de la desserte locale. La totalité du territoire devra continuer d’être desservie et la proximité entre les citoyens et les citoyennes et les arrêts devra être maintenue. En effet, il faudra porter une attention particulière à ne pas allonger les distances de marche vers les services, sous prétexte qu’ils sont plus fréquents. Si cette logique fonctionne bien pour les gens en bonne santé physique, l’allongement des distances de marche peut constituer un frein important pour les aînés, les familles avec de jeunes enfants ou les personnes à mobilité réduite, entre autres.

 

Impasse du financement, impasse du PUM

Le PUM prévoit le développement de centaines de kilomètres de transport collectif structurant, des prolongements de métro, plusieurs tramways et des services rapides par bus (SRB). Tous ces items sont nécessaires pour atteindre les cibles du PUM et même celles de la Politique de mobilité durable. Toutefois, l’actuel modèle de financement de la mobilité est dans une impasse au Québec. Le PUM repose beaucoup sur l’implication des paliers supérieurs de gouvernement pour le financement de ces infrastructures, ce qui met à risque la capacité à le mettre en œuvre. Le PUM devrait dès maintenant prioriser les projets à réaliser afin de favoriser l’adhésion des autres paliers aux projets. De plus, des changements législatifs seront nécessaires afin de construire plus rapidement les infrastructures, et à moindre coût. Les projets de loi 61 et 62, actuellement étudiés par l’Assemblée nationale, comportent des mesures intéressantes, à condition que l’on accorde aux villes et aux sociétés de transport la même flexibilité et les mêmes possibilités qu’au gouvernement et ses agences. 

Bien pire que le financement des infrastructures, le financement de l’exploitation des services de transport collectif fait craindre des coupures de services dans les prochaines années. Si Trajectoire Québec continue de militer pour une participation plus importante des paliers supérieurs dans le financement des services, il demeure que la Ville de Montréal devrait exercer un plus grand leadership à cet effet afin de concrétiser son PUM. La Ville de Montréal doit saisir toutes les occasions d’en financer la mise en œuvre à travers les leviers dont elle dispose. On peut penser à la taxe sur l’immatriculation, la taxe sur le stationnement non résidentiel, la tarification de la congestion ou un péage-cordon autour du centre-ville par exemple. 

En définitive, le Plan d’urbanisme et de mobilité de la Ville de Montréal est ambitieux et porteur d’une vision emballante et transformatrice de la mobilité urbaine. En plaçant l’humain et son bien-être au centre de la vision et en arrimant le développement territorial et du transport, en misant sur le développement rapide, massif et continu du transport collectif, les citoyens et citoyennes pourront jouir d’une Ville plus verte, plus équitable et plus accessible. Si le PUM est enthousiasmant, notre crainte réside dans la capacité de la Ville de Montréal à le mettre en œuvre en raison des impasses au niveau du financement de la mobilité. Nous souhaitons donc que tous les acteurs impliqués collaborent afin de trouver et d’appliquer rapidement des solutions viables et durables pour concrétiser le plan et atteindre les objectifs. 

Sarah V. Doyon
Directrice générale

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